Hotel Bravo
NAPOLEON WASHINGTON
©2003 Sepia Prod - Tous droits réservés.
“Hotel Bravo” est un album de blues acoustique. Comprenant 14 compositions originales enregistrées sous l’arche d’un pont, aux abords d’une gare de marchandises, “Hotel Bravo” est le premier album de Napoleon Washington.
Executive production & financial supervision :
Eric”Prod” Laesser for Sepia Productions
Produced by Napoleon Washington
Recording & mix engineer : Fabian Schild
2nd engineer : Daniel Laurent for Bagdad Audio / Le Mobil
Mobile unit manager : Mary Brugger for Bagdad Audio / Le Mobil
On location facilities & Grip : Cédric Pipoz for Ag’Art
RECORDED ON LOCATION, july 2002
La Chaux-de-Fonds, Switzerland, under Le Grand Pont traffic bridge, yes Ma’am
Recording unit : Le Mobil / Bagdad Audio
MIxed at Bagdad Studios by Fabian Schild & Napoleon Washington,
Mix consulting & genuine mood brightening : Marc O Jeanrenaud
Mastered at Greenwood Studios by Glenn Miller
Graphics : Fourmi Rouge Tinkering Co.
Napoleon Washington plays on FINE RESOPHONIC guitars / NEWTONE strings.
Marc O. Jeanrenaud plays on BOSPHORUS cymbals.
“Hotel Bravo”: suites, fin, à suivre. Dans notre édition du 6 août, nous relations l’enregistrement haut en couleur, sous les arches austères du Grand-Pont, à La Chaux-de-Fonds, du premier opus du bluesman chaux-de-fonnier Napoleon Washington.
Depuis aujourd’hui, cet objet aussi pertinent que délectable aguiche le chaland dans les meilleures crémeries. Le processus fut énorme, la prise de risque considérable et, au bout du compte, le soulagement du chemin accompli n’est que le starting-block de celui à accomplir. Mais le résultat est là: au prix d’une grosse semaine de postproduction dans les règles de l’art, “Hotel Bravo” est le remarquable condensé de blues acoustique contemporain qu’il promettait d’être.
Le Mississippi est là, son delta tisse sa toile, mais le contexte est bien plus large, qui voit poindre le format ballade, des couleurs traduisant un vécu d’ici.
Tronc blues, oui, mais pas dépourvu d’épicéa. Au surplus, on observe une certaine économie dans l’utilisation des invités, tous remarquables du projet. Économie justifiée: tous ces titres sont destinés à êtres joués en solo. Faisant très justement remarquer que la matière essentielle du blues est la même que celle de toute musique populaire, y compris la moins digne d’intérêt, l’opulent guitariste confirme être tombé amoureux du blues comme on découvre la beauté:
L’artiste commente quelques chansons.
Le même écart existant en la géographie fantasmée du blues, ce Graal pour sensibles, et la réalité de la Suisse.
Un écart qui, négocié, comme c’est ici le cas, avec un périlleux cocktail de savoir et de “parties vitales”, débouche sur une incontestable réussite qui épatera les plus exigeants.
Une longue et irréelle semaine durant, du 22 au 28 juillet, le bluesman Napoleon Washington (Raph Bettex dans une vie antérieure) a campé sous le Grand Pont, y enregistrant dans des conditions inédites la matière de son prochain album 100% acoustique, “Hotel Bravo”.
Visite et impressions.
Dans le prolongement de la gare aux marchandises de La Chaux-de-Fonds, l’arborescence des rails hasarde un vague point de fuite. Des wagons résignés à la rouille observent silencieusement un pâté d’entrepôts dont l’état de ruine ravive des souvenirs antiques de crashs boursiers, d’Amérique fracassée pour longtemps.
On ralentit tout naturellement le pas, tant le décor appelle au voyage immobile. Sur le goudron, le ballast de ce no man’s land, un dépôt de ferraille disparu a laissé sa signature: des milliers de minuscules éclats métalliques saupoudrent les lieux. Une mine à ciel ouvert, sans valeur.
Le sentiment cinématographique croît encore lorsque parviennent aux oreilles sous une presque pluie les plaintes discrètes d’un blues immémorial dépouillé jusqu’à l’os. De la belle ouvrage Au prix de plusieurs centaines de mètres carrés d’épaisse toile noire, l’arche austère de Grand Pont a pris des allures de cathédrale zen pour nouveaux troglodytes.
A demi caché derrière un buisson de coûteux micros Neumann, Napoleon Washington érafle l’étrange qualité de silence de cet espace plus ou moins clos, penché sur sa splendide Fine Resophonic. Conçue et gravée à son intention et selon les spécificités de son jeu par les luthiers parisiens Pierre Avocat et Mike Lewis, cette guitare au corps de métal est un démarquage raffiné des mythiques National d’antan – un rêve éveillé pour guitariste.
Le camion tout proche abrite un studio mobile pourvu de multiples raffinements technologiques.
Contraste.
Rejoignant Fabian Schild (ingénieur du son) et le souriant Eric Laesser (producteur exécutif), l’espion s’y glisse pour savourer en primeur des “rough mixes” on ne peut plus convaincants. Le blues, donc. Tantôt dépouillé, tantôt d’une joviale vigueur, notamment dans les prises “live” en trio. Un blues qui se colore tour à tour de vaudou ou de gospel.
De la belle ouvrage. Question d’identité Les anecdotes fusent les badauds interloqués, certains fidélisés, le bug informatique contrariant les overdubs de contrebasse de Marc Waeber, la voix papillonnante de la chanteuse autrichienne Diana Jirkuff, les exploits de l’harmoniciste Bonny B., les insolites trouvailles de percussion (le fidèle Marc Jeanrenaud a notamment utilisé un gigot d’agneau de quatre kilos pour obtenir ces claquements de main plus vrai que nature, un levier de cric en guise triangle, etc…).
Il n’est pas qu’à la rumeur ectoplasmique de la circulation routière dont on conservera une trace subliminale restant à doser, à l’exception notable des ambulances. Le choix du cadre peut surprendre, mais il n’a rien de gratuit. Question d’atmosphère. C’est ici que sont nées, en été 2000, les chansons du futur album; sur le marchepied d’un wagon de marchandises devenu le refuge d’un artiste nourrissant une lassitude croissante pour le circuit des clubs et des bars au fur et à mesure que le happait le delta blues matriciel des origines. C’est ici que l’enregistrement donnerait tout son sens à ce nouveau matériel.
Question d’identité.
Quant au nouveau nom faussement fanfaron adopté par Raph Bettex, il est lui aussi chargé de sens: il fait référence aux doubles patronymes souvent grandioses- et aujourd’hui pittoresques – endossés par de nombreux esclaves à l’issue de la guerre de sécession (Moses, Lincoln, Freeman, etc.). En observant l’artiste se fondant encore un peu plus dans le décor qu’il s’est choisi, pendant une courte pause, une idée m’a traversé l’esprit. Un soir il s’est endormi guitariste de blues. Le lendemain, c’est un bluesman qui s’est réveillé. Ce qui est tout à fait différent.
Seul avec sa voix et son jeu de guitare hors pair que l’on dirait venus en droite ligne du bayou, ou accompagné d’une formation légère et inspirée, il transforme brillamment l’essai et se révèle être le maître du Blues helvète.
Napoleon Washington a poussé la porte du Blues Café sur Couleurs FM pour nous parler de cet album.
Une petite conversation s’en est suivie, je vous en livre ici les passages les plus croustillants.
Napoleon Washington nous est connu depuis le printemps 2001. Son premier album est dans la même veine acoustique moderne, avec chant volontaire et guitare métallique vigoureuse.
Enregistré sous un pont routier, qui a fait naître l’inspiration et permis de générer le son recherché, le disque contient 14 originaux et une reprise d’Alvin Youngblood Heart, modernes dérivés du blues du Mississippi, unifiés dans un univers prenant, paroles et musique, qui fait de Napoleon un artiste à suivre.
Aucun animal vivant n’a été blessé pendant l’enregistrement de ce disque.
Ne pas se fier à l’exotisme américano-corse de son patronyme: Napoleon Washington est un gars du coin, plus exactement de La Chaux-de-Fonds.
Et c’est sous un des ponts de cette ville que l’apache a enregistré ces quinze titres marqués au fer d’un blues vaudou, sombre et sans fioritures, portés par une voix rugissante et une guitare toute en attaque métallique.
Des ambiances fortement évocatrices, loin de la country joyeuse ou du rock’n’roll pépère, et un superbe livret aux teintes cuivrées, prémisses à un blues emprunt de rouille et de sang. Pur et dur.
Napoleon Washington, faisant corps avec sa Fine Resophonic, a trouvé le son organique, métallique qui lui convenait. Seul ou accompagné de musiciens, l’harmoniciste Bonny B, le batteur Speedy Jeanrenaud, le bassiste Marc Waeber ou les magnifiques choeurs de Diana jirkuff, la voix se fait incantatoire et donne la chair de poule, de cette poule dont on a coupé les pattes pour en faire des amulettes.
Le rythme aussi. Incroyable de se laisser transporter juste par le battement d’une semelle et quelques licks de guitare. Napoleon Washington prouve une fois de plus que le Blues n’est plus une histoire de couleur de peau mais bien de coeur.
Je n’ai pas encore eu l’occasion de voir Napoleon Washington sur scène, mais tous les comptes-rendus de ses concerts font état de prestations remarquables.
Rien d’étonnant à l’écoute du premier album de ce Suisse, excellent de bout en bout. Quatorze compositions (en anglais) et une reprise d’Alvin Youngblood sur lesquelles Napoleon Washington est au chant et à la slide (sur guitare à résonateur), dans un style qu’il maîtrise parfaitement. Basse, harmonica et percussions viennent enrichir l’ensemble par des arrangements inspirés, une choriste ajoutant sur trois morceaux une touche envoûtante.
À la fois ancré dans la tradition et original (jusque dans la production : il a été enregistré en extérieur sous un pont), Hotel Bravo est une vraie réussite, à découvrir d’urgence.
Napoleon Washington, Suisse comme son nom l’indique (“Washington” pour faire américain, “Napoleon” pour…), est venu avec sa guitare à résonateur, son bottleneck et son chapelet de compositions pour emporter le morceau devant un public recueilli et captivé.
Raph Bettex a le respect de l’histoire, sait que la Louisiane a été vendue par les français et se sent redevable du passé. Le respect est le maître de ses mots.
…nous confie-t-il. Ce solide gaillard de 32 ans, cheveux longs et sourire aux lèvres, sait séduire son auditoire et parler de son activité avec verve.
Après avoir tâté de la batterie vers l’âge de 11/12 ans, il prend la guitare et suit un parcours “classique”… dans le Rock’n’Roll. En formule électrique style Mississippi et Louisiane, il se cherche encore et déclare:
Seul sur scène ?
… ce qui lui permet une totale maîtrise de sa musique. C’est donc seul qu’on peut à présent voir ce formidable chantre d’un blues très roots très pur, puisant son inspiration chez les maîtres du genre, avec une parfaite maîtrise de son instrument:
Dans ses paroles, il privilégie la simplicité, tout ce qui ressemble à la vie, le quotidien: il raconte des histoires et cela suffit à son bonheur de compositeur.
Sa voix fascinante, envoûtante, rauque et mâle, résonne dans les têtes bien après le concert… La voix est selon lui l’instrument le plus primitif, on en parle en métaphores: “grain”, “profondeur”… ; chez lui, ce n’est pas un vain mot.
Déjà fort de deux tournées US, c’est encore aux States qu’il enregistrera à nouveau pour Sepia en 2005, après son formidable opus “Hotel Bravo”. Deux passages à Cahors ont convaincu les amateurs que le captivant Napoleon Washington a un fort potentiel, pour l’instant assez peu reconnu en dehors de la frange des passionnés. Mais cela va changer, et vite !
Dans une autre vie il s’appelait Raph Bettex. Dites maintenant Napoleon Washington, noms choisis comme se les choisissaient les Noirs afro-américains enfin libérés de l’esclavage.
Raph Bettex s’est libéré d’une musique électrique pour puiser au tréfonds de lui-même ses racines. Des racines proches de celles du Delta aux confins des mondes hantés. Des racines acoustiques, “plus organiques”, dit-il. Napoleon a alors pu engendrer un fils de cette introspection: Hotel Bravo.
Un album enregistré sous l’arche d’un pont, aux abords d’une gare de marchandises.
Pourtant, Napoleon Washington se défend bien de vouloir jouer les influences passéistes. Il joue juste ce qu’il est. Un blues inspiré, incantatoire. Il y a du vaudou chez lui. Deux mondes s’y côtoient: tradition et modernisme, une alchimie universelle.
A l’ère du règne du binaire, de la techno, comment se prend-on d’amour, pour le blues et qui plus est pour un blues rural ?
Avez-vous l’impression d’avoir touché à la lumière?
Vous vous sentez faire partie d’une école particulière dans le blues ?
Vous avez un son très traditionnel pourtant…
Pensez-vous que le blues est une vieille grand-mère à l’agonie?
Ne sentez-vous pas une forme de racisme à l’envers, quand vous envoyez une lettre à Bruce Iglauer, patron des disques Alligator et qu’il vous réponde: “Votre disque est superbe, vous chantez et jouez bien mieux que bon nombre d’artistes américains, mais qu’il n’y a pas de place pour vous sur son label, parce que vous êtes… Européen et de surcroît blanc ?“
Est-ce que ce style de musique a influé sur votre manière de vivre?