Hotel Bravo
NAPOLEON WASHINGTON
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Ceux qui assimilent abusivement autoproduction et misérabilisme devraient jeter un coup d’oeil et une oreille sur les CD qui parviennent chaque mois à la rédaction (42 ce mois-ci): ils seraient surpris par la sophistication et l’originalité graphique de certaines pochettes, tout comme par la qualité sonore des enregistrements.
Faute de moyen, le système D est largement mis à contribution, et le résultat aurait souvent de quoi faire rougir les concepteurs professionnels des majors.
La faiblesse du secteur autoproduit se transforme alors en une force: quand on a rien à perdre, on peut tout oser et porter l’imagination au pouvoir.
Le premier disque de Napoleon Washington se distingue d’abord par sa pochette et son livret superbes qui sont en phase avec le concept de base, puisque les quatorze compositions originales anglophones (accompagnées d’une reprise) ont été enregistrée sous l’arche d’un pont aux abords d’une gare de marchandises du côté de La Chaux-de-Fonds.
Ce parti pris souligne l’aspect urbain du blues de Napoleon, Suisse qui a participé à divers groupes américains avant d’opter pour le repli acoustique.
Seul avec sa voix et son jeu de guitare hors pair que l’on dirait venus en droite ligne du bayou, ou accompagné d’une formation légère (harmonica, percussions, contrebasse) et inspirée, il transforme brillamment l’essai et se révèle être le maître du Blues helvète.
Aux racines du blues, ladies and gentlemen, Napoleon Washington vous y convie avec un premier album solo, Hotel Bravo. De sa voix grave et rauque planant sur la magie de son doigté, le guitariste de La Chaux-de-Fonds s’amuse des clichés: Européen, Blanc et bluesman.
S’il bluffe, sa musique, elle, n’en fait rien: enregistré sous le Grand Pont de la ville horlogère aux abords de la gare de marchandises, Hotel Bravo raisonne d’authenticité. Du blues acoustique capté dans l’air de la saison estivale.
Napoleon Washington, Raph Bettex dans une vie antérieure, lance à la criée une invitation à un voyage dans les racines universelles de cette musique. Sa guitare acoustique fabriquée par des luthiers parisiens tombés sous le charme de sa musique brille autant par le métal de son coffre que par les sons que Napoleon lui arrache par murmures ou longues glissades. Ce virtuose autodidacte taquine la six-cordes depuis une vingtaine d’années.
A 31 ans, Napoleon Washington a déjà plus d’un millier de concerts dans sa besace.
Tantôt accompagnateur de bluesmen tels que l’harmoniciste de Floride feu Rock Bottom pendant cinq ans ou encore les New-Yorkais de Roustabouts pendant trois tournées, tantôt guitariste et chanteur du combo neuchâtelois des Crawlin’ Kingsnake fondé en 1992, Napoleon Washington s’est peu à peu éveillé à la voie du blues acoustique.
…raconte le musicien. Et ce fauteuil, c’est le blues acoustique. Aux balbutiements du nouveau siècle, le Neuchâtelois répond avec les thèmes sonores d’un blues résolument dépouillé. Les yeux fermés, l’oreille tendue, c’est en Louisiane que l’on croit se trouver.
Graphiste de formation, Napoleon n’a jamais envisagé une carrière autre que la musique. Six heures de guitare par jour, quelques petits boulots par-ci par-là, dès l’âge de 19 ans le passionné s’attelle à son projet: devenir musicien professionnel. Avec comme leitmotiv: Le seul truc dont tu as besoin pour faire du blues, c’est d’être vivant. D’avoir une vie et de la raconter, c’est tout.
Hotel Bravo est un album de blues acoustique contemporain. Quinze titres où Napoleon Washington fait vibrer sa guitare en compagnie d’une belle palette de musiciens (contrebassiste, percussionniste, harmoniciste et choriste).
Son inspiration, le Neuchâtelois la tire tout simplement du quotidien.
A-t-il un message à faire passer à travers sa musique ?
Enregistré sous un pont routier, qui a fait naître l’inspiration et permis de générer le son recherché, le disque contient 14 originaux et une reprise d’Alvin Youngblood Heart, modernes dérivés du blues du Mississippi, unifiés dans un univers prenant, paroles et musique, qui fait de Napoleon un artiste à suivre. Dans les crédits de pochette, il est précisé :
Aucun animal vivant n’a été blessé pendant l’enregistrement de ce disque.
Plusieurs animaux morts, cependant, ont été légèrement cuits au barbecue. (…) Résultat des courses [de l’ensemble des Cds chroniqués]: Flyin’ Saucers et Napoleon Washington.
Napoleon Washington, faisant corps avec sa Fine Resophonic, a trouvé le son organique, métallique qui lui convenait. Seul ou accompagné de musiciens, l’harmoniciste Bonny B, le batteur Speedy Jeanrenaud, le bassiste Marc Waeber ou les magnifiques choeurs de Diana jirkuff, la voix se fait incantatoire et donne la chair de poule, de cette poule dont on a coupé les pattes pour en faire des amulettes.
Le rythme aussi. Incroyable de se laisser transporter juste par le battement d’une semelle et quelques licks de guitare. Napoleon Washington prouve une fois de plus que le Blues n’est plus une histoire de couleur de peau mais bien de coeur.